Offprint 2025 : retour, en trois coups de cœur, sur un événement devenu incontournable
Après des années au pavillon de l’Arsenal, Offprint a investi Césure cette année. Des interventions, des rencontres… Et plein de livres et de revues ! Lucrezia a résisté (pas beaucoup) mais elle a quand même craqué pour 3 ouvrages qu’elle nous présente ci-dessous.
Comme chaque année, Offprint a rouvert ses portes à Paris, du 13 au 16 novembre dernier. Installé à Césure, le tiers-lieu porté par Plateau Urbain, le salon international des éditeurs indépendants a offert pendant quatre jours une déambulation dense à travers des ouvrages et des productions graphiques au croisement de l’art, du design, de l’architecture et de la culture visuelle.
Créé en 2010, Offprint s’est imposé au fil des années comme un rendez-vous incontournable pour les acteur·ices et les passionné·es du livre. Il reste aussi un passage obligé pour les graphistes et celles et ceux qui travaillent dans l’édition. Ce qui fait sa singularité, et sa force, c’est cette rencontre constante entre le fond et la forme, entre expérimentation graphique et engagement social ou politique. On y découvre chaque année de nouvelles productions, issues de maisons de micro-édition et d’éditeurs indépendants, qui proposent des ouvrages critiques témoignant de l’intérêt croissant des auteur·ices et éditeur·ices pour les enjeux contemporains.
C’est aussi un lieu où l’on vient pour observer, toucher, comparer : les choix de papier, les techniques d’impression, les reliures, les partis pris graphiques. Les éditeurs indépendants, qui doivent souvent composer avec des moyens limités, transforment ces contraintes en véritable moteur de recherche formelle. Cette frugalité assumée devient alors une démarche engagée, ouvrant la voie à des expérimentations graphiques décalées et audacieuses.

Comme chaque année, donc, j’ai visité Offprint. Et, comme chaque année, malgré les bonnes résolutions (« cette fois, je n’achète rien »), je n’ai pas pu repartir les mains vides. Voici donc trois coups de cœur repérés pendant le salon : trois petites pépites à observer à travers le prisme – tiens ! – du design responsable.
Architecture à emporter
« Faire de l’ordinaire un terrain d’invention, et du chantier une œuvre en devenir. »
Avec son esthétique brutaliste, quelque part entre le livret d’instructions IKEA et le manuel de montage LEGO, Architecture à emporter, publié par RVB Books, présente quatre lampes conçues par Marion Mailaender à partir de matériaux simples et peu coûteux de chantier (plaques de plâtre, rails galvanisés, vis, interrupteurs et spots économiques). Des projets situés entre le réemploi et le détournement.
Ce volume, qui inaugure une nouvelle collection de RVB Books consacrée au design et à l’architecture, mais surtout aux pratiques ouvertes (du DIY à l’open source), documente ces objets en juxtaposant photographies et plans techniques : une sorte de lampe open source, à la fois manifeste et manuel. Il invite non seulement à reproduire les pièces, mais aussi à se les approprier, à poursuivre leur transformation.
Dans un moment historique où l’on questionne l’usage des ressources et la pertinence même de la démarche du design, Marion Mailaender interroge ici notre rapport à la production et à la matière, dans une discipline, l’architecture, encore largement dominée par la logique de la démolition plutôt que par celle de la transformation.
Ce petit livre, entre catalogue et manifeste, semble s’inscrire dans la lignée du design critique : celui qui, au-delà de proposer des solutions, veut aussi soulever des questions.
Architecture à emporter
Marion Mailaender
24 pages
17x24cm
ISBN : 978-2-492175-60-2
***************************************************
Petit ouvrage d’autonomie technologique
« […] Imaginer d’autres rapports aux outils techniques qui prennent en compte leurs dimensions écologiques, humaines et politiques. »
Petit ouvrage d’autonomie technologique s’inscrit pleinement dans la ligne éditoriale de 369 éditions, maison engagée qui conçoit chacun de ses livres comme un espace d’expérimentation et de transmission. Fondé avec un esprit collaboratif, 369 réunit artistes, graphistes, chercheur·euses et auteur·ices autour d’un objectif commun : imaginer d’autres manières de « faire » le monde.
La transdisciplinarité y est centrale, tout comme la conviction que le fond et la forme doivent se rencontrer pour redonner du sens au travail d’édition. Co-fondée par Fanette Mellier, qui signe également la conception graphique de la collection Manuels, la maison développe une approche éditoriale attentive au geste artisanal : choix des papiers, des couleurs, des encres. Chaque ouvrage devient ainsi un objet sensible, où l’engagement des textes trouve une résonance dans une forme réfléchie.
Dans Petit ouvrage d’autonomie technologique, manuel au format de poche, les autrices (Claire Richard pour le texte et Louise Drulhe pour les illustrations) proposent une introduction claire et accessible aux enjeux d’autonomie numérique : pourquoi et comment remettre en question nos habitudes technologiques ? Comment réduire notre dépendance, redevenir réellement décisionnaires de nos usages en ligne et reprendre la main sur nos données ?
En introduisant la notion de « souveraineté technologique », l’ouvrage ne se limite pas à une critique des systèmes numériques dominants : il met en lumière des manières alternatives de faire, à travers des exemples concrets qui émergent dans nos contextes contemporains. Autant de pistes pour celles et ceux qui cherchent à résister aux logiques hégémoniques des géants de la tech, ou simplement à être mieux informé·es. Des enjeux qui résonnent particulièrement pour les métiers de la création, dont le design graphique, où la question des outils et leur utilisation est centrale.
Sous licence Creative Commons, l’ouvrage affirme aussi une volonté de partage et de circulation libre du savoir.
Petit ouvrage d’autonomie technologique
Texte de Claire Richard. Dessins de Louise Drulhe.
Conception graphique : Fanette Mellier.
64 pages
Format : 10 x 15 cm
ISBN : 978-2-490148-01-1
Ouvrage sous licence Creative Commons
***************************************************
The Politics of Design
« It is by realizing that we are all culturally biased that we can understand why communication often fails »
Publié en 2016, The Politics of Design du designer néerlandais Ruben Pater reste, près de dix ans plus tard, d’actualité. L’ouvrage rassemble de nombreux exemples issus du design graphique et de la communication pour révéler les biais, stéréotypes et mécanismes d’exclusion qui traversent la discipline. Il met en lumière des choix (typographiques, chromatiques, iconographiques, photographiques ou infographiques) qui, derrière leur apparente neutralité, véhiculent des visions du monde situées et parfois problématiques.
Le livre invite à faire du design graphique une pratique critique et consciente de ses implications culturelles et sociales, dépassant largement son rôle commercial. Il constitue une ressource précieuse pour celles et ceux qui souhaitent interroger leur propre pratique et repenser les outils du design pour les rendre plus inclusifs et plus responsables.
À noter : Ruben Pater est aussi l’auteur du plus récent Caps Lock (2021), un ouvrage qui examine en profondeur les liens étroits entre design graphique et capitalisme, ainsi que les manières dont la pratique du design participe à la perpétuation de ces logiques économiques. Vous pouvez trouver tous ses écrits critique ici : https://www.untold-stories.net/
Pour l’heure, The Politics of Design n’est pas traduit en français. Peut-être une belle opportunité à venir pour un travail de traduction critique ?
The Politics of Design
Ruben Pater
192 pages
17.5 x 11.1 cm
ISBN : 978 90 6369 422 7
—————–
La rédactrice
À lire sur notre blog
La source de référence s’est tarie
La newsletter de Swash
Nous vous recommandons ces formations
Tendances graphiques : entre héritage, innovation et réinvention
2 jours
|
14 heures
Le design responsable
2 jours
|
14 heures
La boîte à outils du data designer
3 jours
|
21 heures






