Technique

Qu’est-ce que le CMJN ? Décryptage de la Quadrichromie et du Mystérieux K de CMYK

Par Jean loup Fusz, publié le 30 août 2023

Vous avez probablement déjà entendu parler du CMJN, surtout si vous êtes un fidèle lecteur de ce blog. Alors, qu’est-ce que CMYK signifie ? C pour Cyan, M pour Magenta, Y pour Yellow (jaune), tout cela est clair. Mais qu’en est-il du K ? Pourquoi pas CMYB pour Black ? Détrompez-vous, le K n’est pas un caprice linguistique. Plongeons dans l’histoire de l’impression couleur et de la quadrichromie pour en savoir plus.

Les débuts de l’imprimerie et la couleur

À l’époque de Gutenberg, l’imprimerie était une affaire monochrome. Les encres étaient souvent faites à partir de suie, de gomme arabique et d’eau. Si une touche de couleur était nécessaire, elle était ajoutée manuellement par des enlumineurs qui ornaient les lettrines et les marges. Le rouge, souvent utilisé pour son impact visuel, était parfois ajouté en utilisant une deuxième planche d’impression.

La Bible de Gutenberg, l’un des premiers livres imprimés, était principalement en noir et blanc, mais elle comportait des lettrines enluminées à la main.

Incipit de la Genèse : détail de la bible de Gutenberg

Incipit de la Genèse : détail

Un des exemples les plus anciens d’utilisation de plusieurs couleurs dans l’imprimerie est le «Psalterium Latinum,» imprimé par Fust et Schoeffer en 1457. Ce psautier utilise non seulement du noir mais aussi du rouge, ce qui était une réalisation technique significative à l’époque.

 

Psalterium cum canticis. Hymni. [Mayence] : Johannes Fust et Peter Schöffer, 1457. In-folio

Le «Catholicon» de Johann Balbus de Gênes, imprimé par Gutenberg en 1460, est un autre exemple notable. Bien que principalement en noir et blanc, il comportait des lettrines rouges et bleues ajoutées manuellement après l’impression, une technique appelée «rubrication».

 

L’émergence de la trichromie

En 1714, Jean-Christophe Le Blon introduit une révolution avec son système de trichromie, utilisant les couleurs primaires : bleu, rouge et jaune. Cela a ouvert la voie à une reproduction plus fidèle des couleurs dans les œuvres d’art et les impressions commerciales.

Il publie en 1756 «L’art d’imprimer des tableaux» , un ouvrage qui demeure une référence en matière de trichromie.

Jacques Gautier-Dagoty, un artiste et imprimeur français, a perfectionné la technique de trichromie de Le Blon. En 1746, il ajoute une quatrième couleur, le noir, pour accentuer les contours et les détails. Gautier-Dagoty est particulièrement connu pour son œuvre «Myologie complète en couleur et grandeur naturelle» publiée en 1746, qui est une étude anatomique détaillée des muscles humains. Cette œuvre est un exemple remarquable de l’utilisation de la trichromie (et plus tard de la quadrichromie) pour reproduire des images complexes avec une grande fidélité.

"Myologie complète en couleur et grandeur naturelle" de Jacques Gautier-Dagoty, 1746.

«Myologie complète en couleur et grandeur naturelle» de Jacques Gautier-Dagoty, 1746.

 

L’impact de l’impression offset sur la quadrichromie

L’impression offset, qui a vu le jour à la fin du XIXe siècle et s’est généralisée au XXe siècle, représente une étape cruciale dans l’évolution de l’imprimerie. Cette technique d’impression repose sur le principe que l’eau et l’encre à base d’huile ne se mélangent pas. Dans le procédé offset, une image est d’abord gravée sur une plaque métallique. Cette plaque est ensuite humidifiée, puis encrée. L’encre adhère uniquement aux zones gravées, tandis que les zones humides restent exemptes d’encre. La plaque transfère ensuite l’image sur un rouleau en caoutchouc, qui la transfère à son tour sur le papier. Ce mécanisme permet une impression plus rapide, plus précise et plus économique que les méthodes antérieures.

Plaque Offset Cyan en quadrichromie

Plaque Offset (ici du Cyan). © Jean loup Fusz

L’impression offset a révolutionné le monde de l’imprimerie en permettant des tirages en grande quantité avec une qualité constante. Elle est également plus économique pour les grands tirages par rapport aux méthodes d’impression antérieures comme la lithographie ou la typographie. Ces avantages ont fait de l’impression offset la méthode de choix pour de nombreux types de projets, des journaux aux affiches en passant par les livres.

Il est important de noter que l’idée d’utiliser quatre couleurs, y compris le noir, en impression n’est pas née avec l’impression offset. Comme nous l’avons déjà mentionné, Jacques Gautier-Dagoty avait déjà introduit une quatrième couleur, le noir, en 1746. Cependant, l’impression offset a joué un rôle clé dans la popularisation et la standardisation de la quadrichromie. En raison de la dilution de l’encre dans le procédé offset, obtenir un noir profond en utilisant uniquement les couleurs primaires de la trichromie (cyan, magenta, jaune) était un défi. L’ajout d’une quatrième plaque de couleur noire est devenu plus systématique avec l’impression offset, permettant d’obtenir des noirs plus profonds et d’ajouter de la profondeur et du contraste aux images.

En somme, si la quadrichromie n’a pas été «inventée» avec l’impression offset, cette dernière a grandement contribué à sa standardisation et à son adoption généralisée dans l’industrie de l’imprimerie.

Le mystère du K résolu

Le K dans CMYK représente le «Key» (clé ou valeur, en anglais), qui est généralement le noir. Le modèle CMYK est un modèle de couleur soustractif utilisé en colorimétrie pour la description des couleurs en imprimerie. Il est basé sur le système CMY (Cyan, Magenta, Yellow), auquel on ajoute le noir pour améliorer la précision et la gamme des couleurs.

Dans le modèle CMY, les couleurs sont créées en soustrayant des couleurs à partir de la lumière blanche. En théorie, en mélangeant 100% de cyan, de magenta et de jaune, on devrait obtenir du noir. Cependant, en raison des imperfections dans les encres et d’autres facteurs, ce mélange donne plutôt un brun foncé. Le noir est donc ajouté comme une «clé» pour améliorer la profondeur et la richesse des couleurs.

De plus, le K utilisé au lieu du B permet d’éviter toute confusion avec le B dans le modèle RGB (Red, Green, Blue), qui est un modèle additif utilisé pour les écrans comme les moniteurs, les téléviseurs et les smartphones.

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