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Clément Le Tulle-Neyret : l’interview

Par Marianne Huot, publié le 6 mars 2024

Création et édition de caractères typographiques, catalogues d’exposition, livres, formations… Clément enchaîne les missions mais il a quand même pris le temps de revenir sur son parcours et sur ce qui le nourrit au quotidien.

Clément, peux-tu te présenter ?

Je suis designer graphique de formation. Je suis sorti de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon en 2011 et, de 2016 à 2018, je suis allé à l’Atelier national de recherche typographique de Nancy (l’ANRT). Ces deux années ont été riches à beaucoup de niveaux, notamment dans l’apprentissage de création de caractères typographiques, mais aussi dans le temps que j’ai pu prendre pour lire et me documenter. Avant l’ANRT, je sentais que ma pratique tournait un peu en rond. Maintenant je dessine des caractères, je publie des caractères, des livres, j’enseigne et je crois mieux comprendre la discipline dans laquelle je travaille. 

Tu travailles seul ?

Seul dans ma pratique de designer graphique mais toujours accompagné dans ma pratique d’éditeur de caractères ou de livres.

Quelles sont tes dernières réalisations ?

Principalement des catalogues d’exposition : Construire Adapter Transmettre pour le Pavillon de l’Arsenal à Paris, Paysans-Designers pour le Musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux et, plus récemment, celui pour l’exposition 1997 au Palais Galliera ou encore le guide des collections à l’occasion de la réouverture du musée Bourdelle, tous deux musées parisiens (cf galerie de visuels en fin d’article).

Un caractère typographique se regarde autant qu’il se lit et un texte est de fait vu avant d’être lu
Pourrais-tu expliquer ton processus créatif ? 

Souvent, je pars du caractère. Étudiant, je me rappelle avoir lu une interview de Laurenz Brunner qui expliquait qu’il s’intéressait au caractère typographique parce que la lettre est la plus petite unité de communication. Cette phrase résonne toujours en moi car ce que l’on met en forme dans un catalogue, c’est principalement du texte. Bien sûr, il y a des images mais dans la plupart des projets graphiques que j’accompagne, le texte demeure l’élément principal. Je me questionne donc sur l’image du texte. Comment vais-je le retranscrire ? Pourquoi le Times va évoquer quelque chose de différent du Garamond ? Précisément parce qu’ils n’ont pas été faits à la même période, par les mêmes personnes, ni pour les mêmes besoins. Même si le lecteur lambda ne s’en rend pas compte, notre métier procure des sensations et modifie la perception du support. Un caractère typographique se regarde autant qu’il se lit et un texte est de fait vu avant d’être lu. Ensuite, plein de questions inhérentes au projet émergent. Quel papier sera le plus adapté au projet ? Quelles techniques d’impression privilégier pour que les couleurs ressortent bien, quelle reliure offrira le meilleur rendu… 

Pour la création du logo Swash, comment avais-tu procédé ?

J’étais parti des mots que vous m’aviez donnés et du cycle d’apprentissage : avant / pendant / après. Le A de Swash, composé de 2 barres et 1 rond, correspondait à l’élément typographique central du mot qui représentait le moment pendant lequel la formation est suivie. Pour ce A, je suis parti des premiers dessins du Futura de Paul Renner que j’ai retravaillé pour étendre ensuite la logique de ce dessin sur le logo Swash.

 

 
Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Ayant été formé aux beaux-arts, je me suis toujours nourri des autres pratiques artistiques. Récemment, je suis allé au LaM à Lille pour l’expo d’Isamu Noguchi et j’ai trouvé que sa pratique de la sculpture se rapprochait du dessin de caractère. Antoine Bourdelle disait d’ailleurs que la sculpture, c’est du dessin de tous les côtés. Sur la couleur, qui n’est pas mon point fort, j’ai adoré les expos de Georgia O’Keeffe à Pompidou ou d’Anni et Josef Albers au MAM. Pour les designers, Josef Müller-Brockmann, Jan Tschichold ou Jost Hochuli sont en bonne place dans mon panthéon.

Peux-tu nous parler de tes expériences en enseignement ? 

J’ai commencé à enseigner en 2018 pour les 4e et 5e année de la section Art de l’école européenne supérieure de l’image de Poitiers. J’accompagnais les étudiants dans la conception graphique et éditoriale de leur mémoire. J’ai fait ça pendant 3 ans et, ensuite, j’ai fait plus ou moins la même chose à l’école de communication visuelle ECV à Paris. En parallèle, j’ai assuré mes premières prestations en formation continue. Les publics diffèrent mais l’objectif reste le même : se saisir des formes, se les approprier, les personnaliser, les sculpter…

Quel est le profil type de tes apprenants chez Swash ?

DA, graphistes, maquettistes, communicants… Issus de la presse, de l’édition de la pub, la banque ou l’assurance ! Il n’y a pas de profil type mais une envie commune de développer sa culture typographique. Ma mission : 2 jours pour aiguiser leur regard et partager ma passion. C’est un gros challenge car nous avons peu de temps mais les retours sont toujours extrêmement positifs !

 
Comment juges-tu la culture typo des jeunes designers qui sortent d’école ?

Je pense qu’elle n’a jamais été aussi bonne. De plus en plus de designers apprennent à dessiner des caractères pendant leur cursus et les logiciels sont de plus en plus simples à prendre en main.

Tu travailles avec quel logiciel ?

Moi, j’utilise beaucoup Glyphs quand d’autres ne jurent que par Robofont et ses plugins. Ils ont chacun leurs avantages et inconvénients : je laisse chacun tester et se faire son avis.

Quelle est ton actualité ?

Avec Électro-bibliothèque, que j’ai créé avec Thomas Leblond, nous venons de lancer le caractère EB trainer Grotesk en fin d’année 2023. D’autres publications de caractères et de livres sont prévus d’ici à 2025. Nous avons également un livre en projet avec l’artiste Benjamin Collet. En tant que designer graphique, j’ai plein de projets éditoriaux qui s’annoncent.

Tu démarches encore ? Et si oui, comment fais-tu ?

Heureusement, on m’appelle et on me rappelle mais je continue à démarcher parce que ça m’intéresse de bosser avec de nouvelles personnes. Dans ce cadre, je suis assez méthodique : j’observe les publications de structures que j’apprécie (musées, éditeurs…) et je leur transmets un pli avec une sélection de mes travaux et un courrier. Je n’explique pas ma démarche mais j’explique que je suis sensible à leur production et que, si la réciproque est vraie, ce serait idéal de se rencontrer pour un premier échange.

Pour finir, il ressemble à quoi le client idéal ?

C’est un client qui sait ce qu’il veut et pourquoi il travaille avec moi. Il est nécessaire, dès le début, de parler avec les personnes décisionnaires (direction du musée, chargé d’édition, commissaire). Dans ce cas, un intermédiaire est nécessaire mais je demande à ce qu’il y en ait le moins possible !

Retrouvez Clément sur notre formation Pratiques typographiques.

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